Depuis ma plus tendre enfance j’ai toujours été attirée et passionnée par le dessin, la peinture et tous les travaux manuels. Diplômée de l’École des Beaux-Arts de Nancy, j’ai commencé par dessiner pour des agences de publicité. Intéressée aussi par l’écriture, je me suis consacrée durant plusieurs années à l’écriture et à l’illustration de livres pour enfants. L'écriture était déjà pour moi un moyen d'exprimer mes sentiments, j'ai d'ailleurs écrit un roman qui n'a jamais été édité.
C’est à partir des années 2000, que j’ai commencé à m'intéresser à l'argile. Pour mes premières sculptures, j'ai commencé par faire des formes qui pouvaient parfois s’apparenter à des corps ou à une partie du corps pour aborder le thème de la séduction et de la sensualité. Je recherchais essentiellement à exprimer ces sentiments d'amour et d'attirance par les interactions entre les différentes formes qui se répondaient ou s'opposaient. Par la suite, j'ai progressivement supprimer la représentation des corps pour ne garder que des protubérances comme des doigts et des creux comme des alvéoles. C'était extrêmement captivant et envoûtant de voir que mes sculptures prenaient de plus en plus des formes primitives se rapprochant de celles du milieu marin, comme si mon travail me ramenait aux origines de l'humanité.
Par un hasard, que je n'explique pas encore aujourd'hui, un jour j'ai décidé de réaliser une sculpture de taureau, peut-être influencée par les représentations des taureaux des premiers hommes des cavernes, sans doute parce que c'est un animal plein de symbolique qui a traversé l'histoire et surtout je me suis dit: je veux faire mon taureau, en donner ma propre interprétation…
Et c’est comme ça que l’aventure a commencé et continue depuis une quinzaine d’années. Mes sculptures sont la plupart du temps des animaux et tout particulièrement le taureau qui connaît un réel succès par sa forme et sa force dans les galeries et salons d’art contemporain. Après la réalisation de plus de trois cents pièces, toujours à la recherche de la forme parfaite à mes yeux, pour exprimer la force, la puissance, tout en arrondi et en formes douces, les galeristes et amateurs d’art qui ont suivi son évolution s’accordent pour dire qu’il est aujourd’hui « abouti ». L’est-il vraiment ? J’éprouve toujours autant de plaisir à continuer cette quête de la perfection.
J'aime le travail de l'argile il m'apporte une certaine sérénité et j'éprouve un réel besoin de m'exprimer à travers ce matériau. C'est une démarche très primitive, que de faire sortir une pensée, une émotion d'un bloc d'argile.
Au delà cette activité quotidienne de modelage, je ressens toujours le besoin de créer des nouveautés et de découvrir de nouveaux matériaux. Chaque année au gré de mes inspirations je participe à des concours ou je prépare des expositions sur des sujets qui me tiennent à cœur. C’est avant tout pour moi une démarche personnelle qui me permet de m’exprimer pleinement et d’échapper au « carcan artistique » des sculptures animalières qui m’est imposé par l’aspect commercial du monde des galeries et de l’art.
En 2019-2020, j’ai réalisé une exposition de plusieurs tableaux composés avec des poissons en céramique nageant au milieu de méduses confectionnées avec des bouteilles en plastiques. Je me retrouvais de nouveau dans le milieu marin, mais cette fois-ci avec la volonté de faire passer un message à travers une composition artistique. Il y avait un véritable travail de découpage, de ciselage, de recherche de couleurs sur les bouteilles en plastique pour en faire un matériau « artistiquement » acceptable, et qu’il prenne toute sa place dans le tableau pour se confondre dans le milieu marin. Ce n’était pas de simples bouteilles au milieu des poissons pour dénoncer la pollution des océans, mais un animal, en occurrence des méduses qui deviennent du plastique. Le premier message qui vient à l’esprit en regardant ces tableaux était celui qu’on entend depuis longtemps comme quoi dans quelques années, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans.
En 2021-2022, un nouveau thème m’a inspiré pour une nouvelle exposition. Un nouveau sujet qui entre en résonance avec l’actualité. Une thématique que je n’avais encore jamais abordé : la quête du bonheur.
Seulement, je l’ai abordé d’une façon qui peut paraître antinomique et paradoxale, mais qui n’est finalement que l’envers d’une même pièce, je suis partie du malheur, traité à travers le drame des nombreuses noyades des migrants en quête d’une vie meilleure. Le bonheur, lui est ressenti à travers des scènes de moments heureux passés en famille.
Parfois ces scènes se percutent et interpellent notre raison. Une même unité de lieu et une même unité de temps improbable et pourtant bien réel. L’art permet cette transgression des faits, il autorise ces paradoxes à la limite de l’indécence. En créant ces scènes parfois surréalistes je souhaite interpeller, déranger. Le bonheur des uns est à la hauteur du malheur des autres. A travers ces situations insoutenables pour certaines et idylliques pour d’autres, chacun ressent une forte émotion et c’est la coexistence des deux qui l’intensifie.
Traité le sujet de la crise migratoire et surtout des drames qu’elle engendre demande de prendre une sorte de distance pour ne pas tomber dans le désespoir en lui opposant cette quête du bonheur qui anime tout être humain. Ces deux thèmes mis en miroir pose bien sûr la question sous-jacente de l’altruisme et du souci des autres. Ici en créant ces situations conflictuelles chacun est interpellé dans ses propres contradictions.
Il n’y a pas une volonté moralisatrice ou culpabilisante. Les faits sont là, ils sont exposés devant nous avec une certaine ironie déplacée parfois, ils sont déformés par la distorsion de la temporalité qui n’est pas respectée, mais ils sont bien réels.
Le traitement « naïf et enfantin » de la céramique permet aussi de mettre à distance le sujet du drame et du malheur. Il pointe la perception différente des enfants des sujets graves qui touchent les adultes. Ce regard des enfants est aussi un regard sur l’avenir à la fois de notre planète et de l’humanité.
Depuis plusieurs années, j’avais envie de présenter ma candidature au concours Luxembourg Art Priz, mais je n’avais pas le sentiment d’avoir une œuvre suffisamment aboutie et digne de concourir.
Cette année, pour avoir eu l’occasion de tester auprès de différents publics cette série de tableaux qui composent cette nouvelle exposition sur la quête du bonheur, je pense avoir réussit à faire passer un réel message et inviter le public à réfléchir à notre condition humaine, sans pour autant porter un jugement. Je pense que l’art doit plus suggérer qu’imposer, l’artiste n’est qu’un vecteur ou un catalyseur, à travers ses propres réflexions. Il donne à regarder et à penser...