Au début je les ai appelées Boules par référence aux boules de
paille que l’on voit l’été au moment de la moisson (j’étais fasciné par cette
forme arrondie)
Puis je les ai rebaptisées Casemates Et pourquoi me demandait un
ami ? Est-ce par la vue d’une vieille photo de famille où l’on aperçoit un
enfant posé devant une habitation en forme de tunnel…C’étaient les
constructions provisoires d’après guerre pour reloger les habitants et
notamment mes parents, j’ai passé une partie de mon enfance dans ces constructions
en forme de voûte en bêton recouverte de papier bitumé. Et à cette époque,
comme beaucoup de gamins du Boulonnais nous jouions dans les casemates :
ces blockhaus de la 2eme guerre au bord des falaises, c’était notre terrain de
jeu. Est-ce que ceci explique cela, ça serait bien réducteur et anecdotique
…Mes casemates s’inspirent d’autres choses comme les formes de la Nature, elles
suggèrent le végétal, l’animal ou le minéral.
Elles sont là, posées, interrogatives,
interrogées, présentes et témoins dans leur rondondité et dans la confusion des
genres. Je ne sais pas si elles ont quelque chose du spirituel, ce que je sais
c’est qu’elles sont bien silencieuses et ça, ça m’intéresse…
Ma matière première et
privilégiée est le papier. Le papier a toujours été présent dans mon
travail (dessin et
sculpture). Et donc cette matière s’est imposée naturellement et sans
questionnement pour la fabrication de mes sculptures
Pour les premières casemates,
j’ai commencé à faire ma pâte à papier et par la suite un ami papetier me
fournissait la pâte, et aujourd’hui
j’utilise un papier pur cellulose.
Depuis ma technique s’est enrichie
par des expériences « alchimiques » mélange avec le papier de différents
matériaux argile, chaux, huile de lin etc.… Aussi suite à des lectures par
lesquelles j’ai trouvé une recette datant du Moyen-âge : le papier pierre.
Les maçons l’utilisaient pour restaurer certaines structures
des édifices religieux, par exemple : les gargouilles des cathédrales…
Cette recette m’a permis de fabriquer des casemates qui ont pu
être exposées en plein air et subir quelques pluies de Normandie.
Les casemates continuent d’évoluer aussi bien dans leur forme
et leur vocabulaire (ronde, bossue, cornue, à claire-voie ou ajourée...) et
dans leur couleur et aspect.
Où vont-elles ? Vers quoi ?
Je ne peux pas répondre à ces questions. Je pense que les
casemates ont leurs réponses.
Elles se nourrissent par elles-mêmes, elles dialoguent (j’en
fabrique plusieurs à la fois).
Je ne suis que le fabricant, elles s’interrogent, elles
m’interrogent, elles me nourrissent pour la suite. C’est mon processus de
création.