Openclothes est un tout, fait de continuité frisant l’indistinct. Il en est
ainsi lorsque nous regardons à travers une vitrine : tout apparaît légèrement
mélangé et terni, les différents niveaux et profondeurs se confondent.
L’intérieur et l’extérieur, par le jeu des reflets, se troublent, à l’image de la
peinture elle-même, qui contient le mille-feuille de ses profondeurs dans sa
faible épaisseur matérielle.
Dans ce jeu de miroirs, les pieds sont en fait de simples chaussures, qui
ne vont plus avec cette veste sur cintre. Une tête devient presque vraie, à
en douter. Presque rien d’identifiable. Juste un jeu de nature, une forêt de
végétaux qui se côtoient, et qui ne peut en réalité pas se déformer plus, car
c’est un ensemble. On retrouve ici un héritage surréaliste, Chirico notamment.
Le peintre a d’ailleurs signé dans un reflet, semble-t-il de ciel et de nuages :
une signature discrète, comme si elle voulait disparaître.
La forme humaine est abstraite, enveloppe creuse, identité sans substance,
« dépouille ». Est-ce parce qu’elle se mêle à la nature organique, où chaque
fragment de matière apparaît comme un être vivant, mais sans être plus, sans
prétendre à plus ? On pense alors à L’Embarquement pour Cythère de Watteau,
au défilé humain dans une brise pastel qui estompe les silhouettes au point
de presque fusionner avec elles.
Les vêtements sont là entre les personnes qui les ont peut-être portés, et
celles qui les porteront : un entre-deux, une interface, un « inframince » disait
Duchamp. Un apparat qui peut sembler banal, mais qui est l’enveloppe, à la
fois écorce et peau, d’où le traitement organique qu’en fait le peintre.
À la frontière du style Rocaille et de la peinture de métier, Openclothes est un
songe métaphysique dans une sensation de non finito qui rappelle le suspens
de l’identité, impalpable, présente à la fois de ce côté et de l’autre du miroir
que propose la plus banale des boutiques de vêtements.