Ce tableau évoque Rembrandt et toute la tradition des peintures de
boucherie, mais ici avec un intimisme surprenant. Le désosseur n’est pas,
comme dans « The Torture Never Stops », un tueur rémunéré et absent à
l’horreur de ce qu’il exécute dans le bruit des machines. Il semble plutôt
réaliser une tâche artisanale issue d’un savoir-faire précis, dans le calme
silencieux d’une chambre froide. On pense au boucher de Baudelaire : « Je
te tuerai sans haine et sans colère ». Son esprit est peut-être absent, mais de
quelle absence s’agit-il ? Le non finito de l’oreille du boucher indique-t-il une
concentration faite d’écoute ? Qu’écoute-t-il ? Dort-il ? Rêve-t-il ? Sa lame
restée immaculée donne un indice : nous ne sommes pas devant un tableau
réaliste.
Une main, tenant un couteau planté dans la pièce de viande, entre dans le
cadre à droite. À voir la crispation et la coloration bleutée de cette main, c’est
une note plus crissante et plus angoissée qui se glisse ici dans le champ du
tableau.
On retrouve le dialogue entre les bleus froids et les vermillons de « The
Torture Never Stops ». Les surfaces et les matières donnent à Lautum
l’occasion d’un travail subtil d’abstraction et de camaïeus, où l’on reconnaît
son goût pour la peinture du début du XXè siècle, des nabis aux fauves en
passant par les expressionnistes. Et si, en observant les détails, le regard suit
le tortillement grisâtre qui monte et sort du champ en haut à droite, il peut
lui sembler voir une sorte de Christ en croix. C’est là que le peintre a choisi de
signer !