Cette peinture a choisi une
simple plaque d'isorel (comme on en peut trouver dans les supermarchés) comme
terreau propice à son épanouissement – j'apprécie depuis longtemps ce type de
support grâce à son grain rugueux qui propose au pinceau une accroche accrue,
un rendu plus mat et plus brut, parfois plus en matière. La chaise au premier
plan représente une des quelques chaises en plastique un peu salies qui
traînent encore aujourd'hui à certains endroits du jardin. Elle est donc en
contemplation face à cette vaste tapisserie végétale, presque abstraite
(comme le personnage de David Caspar Friedrich, perché sur son rocher face à la
mer de nuages), tout en étant objet de contemplation par le spectateur (du
moins je l'espère!), à la façon d'une nature morte ou d'une sculpture. Était-ce
lui rendre sa dignité que de la mettre ainsi en exergue sur le socle de la
terrasse aux tons roses ?
Elle peut par ailleurs être vue comme une invitation à
s'y asseoir visuellement, symboliquement. Enfin, si cette scène peut sembler
atemporelle, un détail, le sommet d'un poteau téléphonique (« la grimace du
monde moderne » selon Flaubert dans son récit Par les champs et par les grèves),
en haut à droite, aussi discret soit-il, nous ramène aussitôt à la réalité
contemporaine.