Cette toile peinte à la spatule, fait partie d'une série intitulée "Enchevêtrements" réalisée juste avant la crise sanitaire actuelle, au moment où en 2019 le cyclone "Pablo" favorisé par le réchauffement climatique, s'approchait au plus près des côtes européennes . Je me suis alors demandé comment peindre l'angoisse que l'on ressent face aux catastrophes naturelles et à leurs conséquences. Tremblements de terre, incendies, inondations, tsunamis, épidémies, cyclones ... Comment peindre l'angoisse que l'on ressent au milieu d'un enchevêtrement inextricable de débris, de troncs, de planches et de poutres, fragments d'un monde qui vole en éclats.
Je peins avec du noir d'ivoire que j'étale à la spatule sur un fond préparé de manière à obtenir un grain particulier, un grain "vibrant", qui accentue l'effet dramatique du tableau. C'est une peinture expressionniste, une peinture gestuelle alternant horizontales et verticales, la main prend le pouvoir.
Sur la toile, je rassemble les fragments de ces vies perdues et brisées, je les mets en ordre, comme s'il s'agissait de les rendre présentables pour un dernier hommage. Une façon de faire son deuil, de prendre du recul sur l'événement traumatisant, d'exorciser sa peur, de trouver la force de se relever et de reconstruire après la tragédie.
Selon le philosophe Gilles Deleuze, la catastrophe guette jusqu'à l'acte de peindre en lui-même pendant lequel aucune forme ne garde son intégrité. Pour que quelque chose en sorte, le peintre doit affronter et surmonter cette menace comme préalable à la naissance de l'oeuvre. Le pire pour le peintre est de rater son tableau. Mais même dans ce cas, même si la catastrophe l'emporte, rien n'est perdu, les peintres ne cessent pas de rater leurs tableaux et de recommencer nous dit Gilles Deleuze .