DEMARCHE
Peindre des images, c'est accepter de travailler en équilibre deux univers assez distants l'un de l'autre et finalement complémentaires. Ce qui résulte de l'acte de peindre est une image qui reste soumise au jugement souvent profane lié à la ressemblance, la mimesis, les fameux "Raisins' de Zeuxis. Mais ce qui intéresse le peintre, la plupart du temps, c'est que cette image garde les traces de sa génèse, que le résultat soit certes une image, mais avant tout une peinture, avec ses manques, ses coups de pinceaux, ses couches, qui montrent non plus plus un résultat, mais un cheminement.
C'est la chair de la peinture, qu'on retrouve chez Rembrandt, Frans Hals, Bacon.
La peinture n'est pas ici au service de l'image, elle est son corps, ce qui fait d'elle un objet hybride, offert au regard mais aussi au toucher.
Peindre, c'est observer, se tromper, faire marche arrière, décider, se repentir et parvenir à quelque chose qu'on ose montrer. Tout ce trajet doit rester visible sur le papier ou la toile, c'est ce qui fait l'efficience de l'image peinte parce qu'elle a une histoire qui lui est propre. La peinture n'est pas un instantané, c'est tout le contraire, quelque chose de lent qui devrait aboutir à un regard patient et attentif.
Le sujet m'intéresse, bien sûr, et les thèmes qui reviennent le plus souvent sont celui du corps (nu, portrait, vêtement, posture) et du paysage ( ville, montagne, eau, arbre, route, rivière, ciel), mais la préoccupation première est de peindre, un acte physique qui met en relation la lumière, la couleur, le dessin, le temps présent, les blessures laissées a la surface, le geste.
La réflexion sur l'image et la charge émotionnelle ou intellectuelle qu'elle doit prendre ne vient qu'après, c'est ce temps d'observation et de réflexion qui va construire la relation avec la peinture pour aboutir à ce qui pourrait ressembler à une "bonne peinture", ou une "image qui fonctionne", avec un titre, moment délicat parce que littéraire. Il va accompagner, désigner, ou enfermer l'image peinte.
Je travaille sur deux ou trois nouvelles séries de tableaux chaque année, ce qui me donne une liberté d'expérimenter différentes approches techniques et visuelles, sans m'enfermer dans une pratique établie.
Cela me permet aussi d'établir des ponts entre mes productions, galeries de personnages ou d'objets qui reviennent dans des situations nouvelles et parfois incongrues, succession de vignettes qui se font échos, dans un jeu permanent entre l'image et la peinture, mon sujet véritable.
La relation entre l'image, le support et la matière est complexe et parfois périlleuse, elle suppose un équilibre entre ce qui est montré et ce qui est enfouis par la peinture elle même.
C'est une alchimie lente faite de tensions, de contrastes, de choix et de repentirs qui soumettent l'image à l'usure de l'outil et du Temps.
Je travaille par couches successives fluides ou épaisses qui se superposent, grattages, recouvrements, dilutions (techniques héritées de mes années de gravure), révélant ce qui était enfouis, laissant des vides qui font apparaître le dessin initial, sortes de palimpsestes renforçant le caractère éphémère et fragile des choses.
Mes sources d'inspiration sont nombreuses: photographies en noir et blanc à partir desquelles je réalise des croquis au stylo, films, musique (j'y puise souvent le titre de mes tableaux), livres, images de vacances, photographies de mode, souvenirs, toutes ces petites choses qui nous renvoient au temps qui passe, à une sorte de mélancolie.
Les grands maîtres sont omniprésents, Velasquez, Rembrandt, Goya, Manet, Titien, m'aident (sans le savoir, et c'est un dialogue permanent avec mes chers disparus) à résoudre un problème de lumière, de regard, de reflet.
Je choisi mes personnages, femmes, hommes, enfants, en fonction d'une posture ou d'un regard qui me semblent capable "d'habiter" l'espace du tableau. Lorsque je commence à travailler, j'ai une intention bien sûr, mais celle-ci peut changer en cours de réalisation et c'est ce hasard qui m'intéresse parce qu'il résume assez bien ce qu'est la construction d'une peinture, une sorte de condensé de la vie.
C'est de cette façon que le fond vient presque toujours en dernier, laissant parfois le corps ou l'objet seul à la surface nue du support pendant une longue période, temps nécessaire à la construction d'un espace qui viendra se fondre avec le corps ou l'objet peint, le rendant en quelque sorte vivant, présent en même temps qu'absent.
D'une idée au départ assez vague au départ se matérialise une image, lentement, par étapes. C'est aussi ce qui me motive à reprendre des personnages, à varier les situations pour trouver la façon la plus juste d'exprimer une idée ou un regard sur le monde, souvent mélancolique.
Pour moi la peinture est un jeu, l'image un piège, et finalement c'est au regardeur de trouver son chemin, de construire son histoire à partir de ce qui est montré, il n'y a pas de réponse ou de vérité, seulement quelques hypothèses, lancées comme des défis.
Cette idée de jeu, parfois dérisoire m'amène à construire des mises en scène où le personnage est piégé dans un espace illusoire (cadre, socle, cage, changement d'échelle, immersion, reflets, dilution...) qui nous renvoie à notre condition de mortel.
Il y a cette idée que nous ne sommes que des passants et que l'image que nous laissons se dérobe au regard.
PARCOURS
Bac A3, 1988.
Beaux Arts de Rennes, DNAP,1988/1993.
Licence d'Arts Plastiques, 1995.
CAPES d'Arts Plastiques, 1996.
EXPOSITIONS
"Faces", maison du patrimoine, Basse-Terre, Guadeloupe, 2018
"Sleeping beauties", Escape Cupecoy, Sint-Maarten, 2016
"Heroes", Gallerie Vitesse, Paris, 2015
"Hibakushas", Galerie Chapon, Saint-Martin, 2013
"Jules suite", The Cliff, Sint-Maarten, 2011
"Portraits", Galerie du Fleuve, Paris, 2009
"Dreamers", Principle Gallery, Alexandria, USA, 2009
"Portraits", B.Wilker showroom, Nashville, USA, 2008
"Jungles", Galerie Tropisme, Saint-Martin, 2008
"Beach boys", Derek Alexander gallery, Saint-Martin, 2007
"Conversations", Malain's factory, Guadeloupe, 2005